Comment parler en public ?
Oser parler, et convaincre un public en 4 leçons
Temps de lecture estimé : 6 minutes
Cher lecteur,
L’autre jour, je suis tombé sur une statistique étonnante : 3 personnes sur 4 ont peur de prendre la parole en public, selon le National Institute of Mental Health (2016).
Je dis étonnante, car la prise de parole en public est un exercice omniprésent dans notre société :
- Les récitations à l’école primaire
- Les exposés au collège et au lycée
- Les soutenances et oraux dans les études supérieures
- Les présentations dans le monde professionnel
- Les discours lors d’événements privés (mariages, etc)
- …
Nous sommes dans une société qui valorise l’orateur. Nous avons hérité des principes rhétoriques grecs et de sa culture du débat.
Pourtant, 3 personnes sur 4 le vivent mal. Ils doivent monter sur scène avec la boule au ventre, la gorge nouée et les mains moites.
Si c’est votre cas, j’ai une mauvaise nouvelle : vous ne serez jamais tranquille. Il y a dans la vie des milliers de situations qui requièrent de parler devant les autres.
Aussi, j’ai décidé de vous donner quelques conseils issus d’études psychologiques, d’expériences personnelles et de lectures.
Je vais vous aider à surmonter cette peur, et à réussir toutes vos prises de parole en public.
Pour en finir avec l’angoisse
La première clé pour réussir vos prises de paroles en public, c’est d’annuler la peur.
Il existe 2 méthodes scientifiques pour contrôler vos réactions de stress : la cohérence cardiaque et les power poses.
Si avez lu mes lettres précédentes, vous savez comment faire. J’ai écrit récemment un article sur la cohérence cardiaque, et un autre sur les power poses… Mais je vous résume brièvement :
La cohérence cardiaque permet de faire baisser votre rythme cardiaque et de l’harmoniser.
Il s’agit de respirer lentement : 5 ou 6 respirations complètes (inspiration + expiration) par minute, soit 5 secondes par expiration et 5 secondes par inspiration. Faites cet exercice pendant 5 minutes, et vous ferez baisser votre taux de cortisol (hormone du stress) pour 4 heures.
Dans le même temps, vos tissus seront mieux oxygénés et votre souffle sera moins court. Vous vous sentirez beaucoup mieux, et serez en pleine possession de vos moyens.
Un autre avantage de cette respiration pleine et lente, c’est que votre voix sera plus grave et plus posée. Vous aurez l’air plus en confiance.
Les power poses, c’est adopter une posture de dominant. Tenez-vous droit, la tête haute, avec une posture ouverte, les épaules en arrière. Cette simple position va envoyer au corps le signal que vous êtes en confiance. En retour, vous allez sécréter plus de testostérone que d’habitude, et diminuer davantage votre taux de cortisol.
En clair, si vous feignez la confiance, votre corps l’interprètera comme une confiance réelle… et il arrêtera de vous faire stresser. Pour plus de détails sur chacun de ces mécanismes, je vous renvoie à mes 2 lettres sur le sujet.
Et enfin, rappelez-vous que dans la salle, 3 personnes sur 4 savent exactement ce que vous ressentez et le comprendront.
Les premières minutes
Dans ce genre d’exercice, la clé se trouve au début.
Si vous démarrez bien votre intervention, non seulement votre public vous écoutera, mais vous serez plus à l’aise et le reste du discours roulera tout seul.
Pour bien commencer, il faut captiver le public. Plusieurs techniques s’offrent à vous :
- Énoncez une statistique intéressante : 3 personnes sur 4 ont peur de parler en public, par exemple 😉
Il faut les faire entrer dans le vif du sujet par un biais simple à comprendre, facile à retenir.
- Racontez une histoire qui les rendra curieux : Le 9 mars 2001, je me suis réveillé dans une cellule de garde-à-vue à Bucarest. Pas moyen de me rappeler ce que je faisais là… Mais le plus curieux, c’était ce costume de clown que je portais.
Franchement, vous n’avez pas envie de savoir la suite ?
- Dites quelque chose de personnel et d’important pour vous : Depuis tout petit, je suis passionné par les pieuvres, les calamars et autres céphalopodes. Pour moi, ce sont les animaux les plus extraordinaires qui soient.
Il faut que ce soit spécifique, passionné et sincère. Une erreur serait de prendre de la distance avec votre sujet, par pudeur. Il doit vous animer. Une passion, ça se partage, et ça ne se discute pas – il faut désarmer leur logique, et pivoter vers l’émotion.
Vous avez 2 objectifs : qu’on vous écoute et qu’on vous aime.
Les Romains parlaient de Captatio Benevolentiae, le moment où l’on « capture la bienveillance ».
Pour la capturer, il faut surprendre et émouvoir.
Tout le monde s’attend à ce que vous disiez « Bonsoir, merci à tous, je suis très heureux d’être là… Alors ce soir, je vais vous parler de X, Y et Z ».
Sauf que si tout le monde s’y attend, personne n’écoute vraiment.
Sautez cette étape qui n’intéresse personne, emparez-vous du sujet, et vous serez sur les rails.
Les « ficelles » rhétoriques pour un discours réussi
Une fois que vous êtes lancé, il faut tenir la distance.
Il existe quelques principes pour être sûr d’intéresser votre auditoire tout au long de votre présentation. Voici quelques « ficelles » pour captiver.
Illustrez tout : il y a une différence essentielle entre l’écrit et l’oral.
À l’écrit, vous lisez à votre rythme. Vous pouvez revenir en arrière, les mots ne s’enfuient pas. C’est pourquoi vous pouvez faire des démonstrations longues, complexes.
À l’oral, on ne vous entend qu’une fois. C’est pourquoi vous devez créer des images mentales qui vont rester dans l’esprit du public. Si votre discours est dépourvu d’exemples, même avec l’argumentation la plus solide du monde… Le public oubliera. Un public qui oublie, c’est un public qui perd le fil, et qui se désintéresse.
Pour contrer ceci, utilisez des exemples.
Au lieu de dire : la technologie humaine s’inspire de plus en plus de la nature dans ses réalisations techniques. Dans l’aéronautique, la défense ou la construction, de nombreuses innovations se basent sur ce modèle : imiter ce qui existe dans la nature, et l’adapter aux besoins humains. On parle de biomimétisme.
Dites : Pour faire des gilets pare-balle légers et résistants, une entreprise américaine s’inspire de la soie des araignées qui font leur toile. En Allemagne, une équipe de chercheurs travaille sur les ailes d’un papillon pour créer de nouveaux verres anti-reflets. Quand les innovations humaines imitent la nature, ça s’appelle le biomimétisme.
Les termes techniques, on les oublie… Mais l’araignée et le papillon nous restent en tête.
Utilisez les noms propres : l’autre jour, je passais dans une rue et devant un magasin j’ai recroisé un ami du lycée. On a parlé, et il m’a proposé d’aller boire un verre dans un bar.
Mardi dernier, je passais rue du Bourg, derrière le cinéma, et pile devant Carrefour je suis tombé sur Jean-Louis Poitel, avec qui j’étais en terminale ! On a discuté 2 minutes, puis il m’a proposé d’aller prendre une bière au Café du Midi.
Je viens de vous raconter 2 fois la même chose. Quelle version vous semble la meilleure ?
Si vous vous demandez pourquoi, c’est parce que les noms propres ajoutent de la couleur et du détail.
La première version est monochrome, impersonnelle, en clair : elle n’intéresse personne.
À l’inverse, les références telles que le nom de la rue ou le nom du camarade… Cela renvoie à des impressions plus personnelles, faites de nos expériences, cela renseigne vraiment, on se sent plus impliqué. Et on écoutera mieux la suite.
« The most personal is the most general » : vous ne devez pas utiliser d’expression générales, car ça ne parle à personne : “les gens pensent que… on dit souvent que… »
Ne dites pas ce que font les autres, et surtout ne décrivez pas une situation imaginaire – ça se verra.
Vous pouvez faire mieux que ça : racontez quelque chose qui vous est vraiment arrivé. Racontez une situation dont vous pensez qu’elle illustre quelque chose d’universel. Je vous donne 2 exemples.
Souvent les gens ont peur de parler en public. Ils angoissent la veille, ils ont du mal à dormir, et le matin ils se sentent encore plus démunis car ils sont fatigués. Ils passent la journée la boule au ventre, et plus l’instant approche, plus ils transpirent, ont le souffle court, les mains moites…
C’est bien raconté, car c’est émaillé d’impressions sensorielles… Mais il y a un défaut : on ne s’identifie pas, car on ne sait pas de qui on parle.
Cela pourrait être rendu plus personnel, et donc parler à plus de monde.
En novembre dernier j’ai dû parler devant 200 personnes à un séminaire d’entreprise. La veille, j’ai essayé de me coucher tôt mais j’ai tourné pendant des heures dans mon lit… et j’ai fini par tomber de sommeil, vers 3 ou 4 heures du matin. En plus d’avoir peur, j’étais crevé ! Je n’ai pas réussi à me concentrer de la journée. Plus je m’approchais de l’heure fatidique et plus je me sentais déboussolé, jusqu’au moment où, dans le noir, parmi le public, j’entendais mon cœur taper dans ma poitrine… Et là, mon nom s’est affiché sur l’écran de présentation.
On s’y croit davantage, et surtout, vous parlez de vous.
Car c’est aussi ça qui conditionne la réussite de votre discours : la relation que vous entretenez avec le public – ce qu’ils pensent de vous en tant que personne.
Comment mettre le public dans votre poche et susciter l’adhésion
La relation au public est essentielle.
Vous l’avez sûrement remarqué : quand on apprécie quelqu’un qui parle en public, on aura tendance à lui passer certaines approximations, à ne pas le juger « mauvais » dès qu’il bafouille, bref, à lui accorder crédit et bienveillance.
Pour obtenir les faveurs du public, vous devez susciter l’empathie.
C’est pour cette raison que je vous recommande de parler de vous et d’incarner votre sujet. Vous ne serez plus un présentateur qui parle d’un sujet aléatoire… Mais un Homme qui parle à d’autres Hommes. Il y aura plus de tolérance si vous leur êtes familier qu’étranger.
Voici quelques conseils rapides pour que votre public vous aime :
- Adaptez votre discours à votre auditoire : utilisez des anecdotes locales, prenez des exemples qui leur parlent, parlez de leur secteur d’activité, de leur région, de ce qui les passionne…
- Impliquez-les : posez-leur des questions, demandez-leur de voter à main levée, considérez-les non pas comme une masse informe, mais comme une somme d’individus
- Identifiez-vous à eux, parlez de ce qui vous lie : sont-ce des collègues, des amis, ou des professionnels du même secteur que vous ? Faites-leur voir ce que vous avez en commun
- Soyez modeste : les gens n’aiment pas qu’on leur fasse la leçon, alors même si vous êtes légitime pour parler de votre sujet, ne vous emballez pas. Rappelez à ceux qui vous écoutent que votre discours est le fruit de votre expérience, pas la vérité en personne qui descend les éclairer.
Vous avez à présent des clés pour maîtriser votre stress avant une présentation, et faire adhérer le public à votre discours.
Mais bien sûr, le plus important, c’est de pratiquer.
Si vous avez l’occasion de parler devant de petits groupes où vous êtes à l’aise, allez-y. C’est en s’entraînant qu’on progresse.
Peut-être même finirez-vous par prendre du plaisir…
Bien cordialement,
Marc
C’est toujours agreeable de vous like merći
Bonjour Marc, merci pour ces lettres édifiantes, parfois déroutantes, in fine pertinentes. L’éloquence, en avoir ou pas ? affaire d’entraînement et de connaissance de clefs ? Les sages disent que ce ne sont pas ceux qui parlent le mieux qui ont les meilleures choses à dire, mais c’est un autre sujet. Je me rappelle le romancier Patrick Modiano à Apostrophes, il finissait pas ses phrases, ne trouvait pas les mots (?) mais il avait une belle tête. Il y a la question de la voix, aussi, qui se vérifie à la radio, le son, le timbre seul, l’œil n’étant pas… Lire la suite »
Excellents conseils, très bonne méthode. Je vais communiquer votre lettre à ma fille qui doit faire un exposé oral sur un sujet qu’elle connaît peu, donc, cela l’angoisse. Je lui ai fourni la documentation mais elle devra faire le reste… Merci !
L’ORAL n’est il pas un « moyen de « rattrapage » ,???au bac ????
Cette épreuve pour les fait-néant ,les sans savoir qui vont essayés de BARATINER pour gagner (grapiner) quelques points ???mérités par quel mesure???
Pourquoi deviendrait il impératif de savoir dégoiser, tchatcher, entourlouper , étaler oralement son non SAVOIR ou sa non capacité ?
A QUOI ALORS donc BOSSER ???
SI il ne suffit que de savoir « Jacter »
En somme nous à l’ubérisation de l’enseignement et le faire FI des DIPLOMES ???
Oral ,Ô désespoir du SAVOIR.
« The most personal is the most general » ??
the most personal is the less general … non ?
Bonjour Jean, merci pour votre message !
Je vous confirme qu’il n’y a pas d’erreur : the most personal is the most general.
L’idée est contre-intuitive… mais le principe derrière, c’est que l’expérience humaine est une somme de cas particuliers. Les généralisations ne parlent à personne, ou alors vaguement. Avec un exemple très personnel, beaucoup se reconnaîtront en profondeur dans votre histoire.
Bien cordialement,
Marc
Les meilleurs professionnels de montagne nous diront toujours que la peur bien gérée leur permet de rester en vie dans un environnement dangereux car parsemé de nombreux pièges. D’ailleurs ils ne sont pas si nombreux à arriver à l’age de la retraite.
Merci Marc pour cet exposé.
Je vais me permettre de répondre à Bernard Leroux.
N’avoir peur de rien peut être dangereux car avoir peur incite à la prudence.
J’en ai connu des gars qui prenaient des risques sans se préoccuper de leur propre sécurité au cours d’exercices ou manœuvres militaires. Trop confiants, certains ont eu des accidents ou sont morts. La peur ne doit pas être paralysante mais elle permet de faire une évaluation des risques et de réagir en conséquence. C’est une question de survie.
je fais du théâtre amateur et depuis qq années je fonce directement et je n’ai plus de stress je fais participer dès l’entrée en scène et ce que vous dites me conforte dans cette pratique je vous remercie
Bonjour Marc,
C’est toujours avec plaisir que je lis vos conseils, car ils sont concis et pratique, droit à l’essentiel. Continuez comme ça.
Arthur
C’est très clair et encourageant pour les timides en public dont je fais partie: je vais m’y mettre!
Parler en public fait partie de mon métier. Je l’ai fait des milliers de fois et c’est désormais entré dans ma zone de confort. Par conséquent je ne me sens pas concerné par les conseils sur le sujet que je lis généralemen,t que je trouve trop basiques pour mon cas. Votre post fait exception, notamment par la façon dont vous illustrez vos conseils. Ce que j’en retire de plus important pour moi c’est la différence que vous pouvez faire en rendant vos exemples plus spécifiques ( » J’ai rencontré Jean-Louis Pourtier…. »).
Bravo et merci.
Merci Philippe pour votre commentaire ! Je suis ravi d’avoir pu vous apporter quelques infos, même si vous êtes rompu à l’exercice… J’espère que ces quelques « astuces » rhétoriques vous seront utiles.
Bien cordialement,
Marc
Je n’ai jamais eu peur de parler en public, en fait je n’ai jamais eu peur de rien… Exemple, sur les plus hautes cimes, pour finir, un passage de 30 cm de large, un vide de 300 mètres sur chaque côté, je passe tranquille, les autres ne me suivent pas…
En fait, j’ai appris récemment, d’après des études très poussées, qu’étant originaire par mon père, de Normandie, là où s’étaient installés les Wikings, j’avais hérité de ce gène qui fait qu’on n’a pas peur…