Nous sommes tous des incompétents en puissance

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Cher lecteur,

Connaissez-vous le Principe de Peter ?

C’est une loi établie par Laurence Peter, selon laquelle « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence ».

En clair : si vous êtes bon dans ce que vous faîtes, vous avez des chances d’être promu.

Une fois promu, de bonnes performances peuvent vous mener à une seconde promotion, et ainsi de suite…

… jusqu’à ce que vous atteigniez votre niveau d’incompétence, c’est-à-dire la position où vous ne serez plus à votre place.

On peut l’illustrer ainsi :

Or, selon la logique de Peter, quand on atteint son niveau d’incompétence, on est beaucoup plus difficile à licencier… ce qui sous-entend qu’une large proportion de cadres dirigeants sont tous plus ou moins des incompétents.

Cependant, il faut bien comprendre comment ce principe est rendu possible par un ensemble de biais décisionnels et de normes parfois illégitimes.

La technique et l’humain

Plus on monte dans une entreprise, et plus on s’éloigne des tâches courantes, de la technique et du « savoir-faire » de base.

Petit à petit, on touche au management, à l’organisation d’une équipe et à sa direction.

Mais un bon mécanicien est-il apte à diriger un garage ? Pas forcément.

C’est cette rupture, cette discontinuité dans la nature des tâches qui pose problème.

Or, la promotion est une pratique courante dans nos structures sociales : le plus compétent pour faire un travail devient le chef de ses pairs.

Même si ce n’est pas toujours le plus compétent pour devenir chef.

Savoir récompenser, ou savoir former

Lutter contre le principe de Peter n’est pas simple : dans l’imaginaire collectif, promotion = management.

C’est pourquoi il est indispensable, si vous devez donner une promotion à quelqu’un, de l’accompagner et de le former s’il doit prendre d’autres responsabilités.

Bien sûr, les « stages de management », on en trouve à la pelle… et ce serait une erreur de choisir les moins chers : puisque le domaine est à la mode, on trouve beaucoup d’amateurs qui cherchent à se faire un maximum d’argent sans compétences réelles.

Quitte à donner une promotion, mettez le prix pour permettre à l’employé promu d’acquérir des compétences solides.

Ne prenez pas sa compétence actuelle comme une garantie qu’il développera de lui-même les compétences futures dont il aura besoin.

Par ailleurs, et c’est un point qui est souvent occulté dans la gestion des ressources humaines, tout le monde ne veut ni ne peut devenir chef.

Tout le monde n’est pas fait pour être chef

Le management est autant une compétence qu’une disposition d’esprit.

Certains se révèleront être de très bons chefs quand vous leur en donnerez l’occasion… et d’autres, qui auront toujours voulu jouer au « petit chef », n’obtiendront jamais le respect de leurs subordonnés.

Il y a là deux idées à retenir et à distinguer :

  • Tout le monde ne veut pas être chef…
  • Et tout le monde ne peut pas être chef.

En clair, certains accepteront une promotion vers un rôle de management, même si ça ne les enthousiasme pas… car c’est mieux que pas de promotion du tout.

Et d’autres auront des velléités managériales depuis le début, mais s’avèreront incapables de tenir ce rôle – alors qu’ils vous satisfont par ailleurs.

Et dans chacun des cas, vous devez gérer. Garder les égos intacts, l’enthousiasme constant… en modulant votre mode de récompense.

Comment récompenser quelqu’un qui travaille bien sans lui donner un poste de chef ?

La mobilité horizontale peut être une solution : proposer à quelqu’un un poste d’un niveau hiérarchique équivalent, proche du sien, mais dans lequel il va développer de nouvelles compétences. Cela peut même être un levier pour une promotion managériale future.

Évidemment, la rétribution. Le salaire. Aujourd’hui, il est facile de barder de titres honorifiques un salarié compétent à grands coups d’anglicismes… mais dans l’entreprise, l’argent est une vraie preuve d’amour et de respect.

Certains avantages peuvent entrer en compte : plus de vacances, un rôle de formateur auprès d’autres employés, la gestion de projets qui lui tiennent à cœur, la possibilité de travailler à distance… Il existe de nombreux leviers pour prouver à quelqu’un qu’on apprécie son travail sans le nommer manager.

Faut-il se fier aux nouveaux modes d’organisation du travail ?

Aujourd’hui, le monde de l’entreprise évolue vers plus « d’horizontalité ».

En clair : moins de hiérarchie, plus de collaboration.

Est-ce une bonne chose ? Je n’en sais rien. Je suis souvent sceptique à ce sujet, car je crois en une hiérarchie forte, avec des chefs qu’on a envie de suivre.

Cependant, cette évolution a du bon : elle permet de créer des « managers à l’essai ».

La gestion de certaines tâches en « mode projet », avec une temporalité définie et arrêtée, et une organisation plus souple qu’à l’accoutumée permet de mettre un salarié dans un rôle de chef de projet.

Concrètement, il ne devient pas définitivement manager… mais il gère un projet et distribue des tâches.

Si vous n’êtes pas sûr de la propension à manager d’un de vos employés, c’est une bonne façon de lui mettre le pied à l’étrier, et d’observer son comportement.

Ça ne vous engage que sur une durée définie – et c’est un bon moyen de le valoriser du même coup.

Bien cordialement,

Marc

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dambax
dambax
3 années il y a

Le principe de Peter, permet la réflexivité, s’interroger pour comprendre nos capacités et nos manques afin de se former, s’améliorer, mais aussi aller chercher la compétence chez l’autre au sein d’ un collectif travailler ensemble,coopérer..Vous placez bien sur le principe dans la société ou le chacun pour soi règne. Dommage, la coopération; le vivre ensemble existe ..Merci

Boulanger
Boulanger
3 années il y a

Bonjour, Je suis fier d’être en capacité de dire que je suis incompétent; oui parce que … C’est à mes yeux une preuve de mes capacités à appréhender certaines de mes compétences et leurs limites actuelles. Cela me permet d’adapter mes stratégies en fonction de mes objectifs. -montée en compétences et /ou soutien externe. Il y a longtemps que je n’ai plus honte de mes incompétences. Elles sont autant de raisons de m’ouvrir aux autres, d’organiser des moments d’échanges et de partage de savoir avec les vivants qui m’entourent. Et puis, on détient tous un savoir à partager avec « un… Lire la suite »

Pierre Dercy
Pierre Dercy
3 années il y a

Salut Marc, Théoriquement, ce que tu expliques se tient. Théoriquement, seulement … Tu peux être très compétent dans ton domaine mais si tu exprimes un peu trop librement tes pensées qui ne vont pas toujours dans le sens souhaité, c’est un frein pour une promotion. Ou encore, si tu es compétent mais que la hiérarchie te préfère un incompétent patent, c’est aussi un frein pouvant créer un sentiment de frustration et de démotivation. Sans compter les petites combines sournoises de certain(e)s employé(e)s qui sont monnaies courantes dans les entreprises. Certains sont valorisés et d’autres dévalorisés et ce n’est pas toujours… Lire la suite »

JOËLLE CHAGNEAU
JOËLLE CHAGNEAU
3 années il y a

super analyse très complète et profonde
donne des pistes pour améliorer et valoriser les gens
leurs capacités leur confiance en eux
l’entreprise etc..
merci

Marc Roure
Marc Roure
3 années il y a

Bonjour Marc, je suis formateur et coach en management. Non seulement j’adhère à 100 % à votre point de vue, mais j’aime aussi beaucoup la manière à la fois simple et directe dont vous le dites. Vos lettres sont pour moi une belle source d’inspiration et … d’action !

Laplace
Laplace
3 années il y a

Excellent comme d’habitude.

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