Apprendre à tuer

Une leçon de conditionnement made in USA

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Cher lecteur,

La Killology, ça vous parle ?

C’est une branche de la psychologie qui s’intéresse aux effets du meurtre sur l’esprit humain.

Le père de cette discipline s’appelle Samuel Marshall.

C’est un vétéran de la Seconde Guerre Mondiale qui a mené de nombreuses études sur les survivants des champs de bataille.

4 soldats sur 5 ne tirent jamais sur l’ennemi

Samuel Marshall a interrogé d’anciens soldats pour établir des statistiques, confirmées par d’autres études au long du XXème siècle.

Il a fait une découverte surprenante : « dans un bataillon d’infanterie classique, seuls 15 à 20% des soldats tirent sur l’ennemi ».

Marshall ajoute : « dans les conditions les plus dures, face à la menace la plus sérieuse, les compagnies les plus agressives pouvaient monter à 25% ».

Cela veut dire qu’en moyenne, les combats étaient menés par 20% d’un bataillon.

80%, soit 4 soldats sur 5, ne tiraient pas sur l’ennemi. 

Ils se contentaient de survivre.

Mieux vaut mourir que tuer

Marshall a observé que les soldats étaient volontairement passifs.

Même parmi les tireurs, certains ont admis qu’ils faisaient exprès de manquer leur cible. 

Quand on leur demandait pourquoi ils avaient si peu combattu, l’immense majorité des soldats répondaient la même chose :

« Rien ne nous a préparés à ça ».

Les soldats craignaient davantage d’ôter une vie que de perdre la leur.

Des cibles à forme humaine

Les haut gradés de l’armée ont compris que leurs soldats étaient bons pour jouer à la guerre : Tir, combat, course d’endurance…

Mais rien de tout ça n’est la guerre.

Leur entraînement était trop éloigné de la réalité.

Ce n’est pas parce qu’on sait tirer sur des cibles qu’on ose tirer sur des hommes.

Pour y remédier, les cibles circulaires ont été remplacées par des cibles de forme et de dimension humaines.

On a appris aux soldats à tirer sur des formes humaines.

Apprendre à tuer sur commande

La deuxième mesure des généraux américains fut de changer les formats d’entraînement. 

Moins de tir sportif sur des cibles à distance…

Et plus de tir rapide sur des cibles proches (à forme humaine), avec pour consigne de vider son chargeur.

L’objectif ? Recréer les conditions réelles d’un champ de bataille : ne pas réfléchir, tirer sur tous les ennemis dans le périmètre.

La vitesse de tir, le débit de feu imposé et la forme des cibles devaient créer des automatismes chez les soldats.

Faire feu ne devait plus être une décision, mais un automatisme.

Une « bonne raison » de tuer

En plus de changer les entraînements, l’armée américaine a aussi modifié les discours de motivation.

C’est l’esprit de camaraderie qui a été mis à l’honneur. 

Plus de diabolisation excessive de l’ennemi, mais ce mot d’ordre : « Si vous ne faites rien, les gars d’en face tueront tous vos frères d’armes ».

En parallèle, davantage d’ateliers pour renforcer l’esprit d’équipe.

Les soldats doivent apprendre à se connaître. Quand ils deviennent amis, ils commencent à éprouver l’envie de protéger leurs proches sur le champ de bataille.

Puisque leur propre survie n’était pas un levier assez fort, l’armée a misé sur la survie de leurs amis.

Elle crée les conditions de cette amitié, puis s’en sert pour motiver les troupes.

Pour leur donner une bonne raison de tuer.

Quels enseignements tirons-nous de tout ça ?

Bien sûr, l’objet de mon message n’est pas de vous entraîner à tuer. 

Mais cette histoire est riche d’enseignements.

Elle rassure : les hommes ont une aversion naturelle à tuer leurs semblables. C’est déjà ça.

Grâce à ces techniques, l’armée a réussi à démultiplier le nombre de participants actifs aux batailles.

On peut avoir un regard plus nuancé sur ce tour de force. Mais il témoigne de l’incroyable capacité humaine à se conditionner à tout, même à l’impensable.

C’est une piste de réflexion pour tous ceux qui devront bientôt faire quelque chose qu’ils se sentent incapables de faire. 

  • Parler en public
  • Préparer une compétition
  • Remporter un victoire professionnelle

Quoi que vous fassiez, pour y arriver, entraînez-vous dans les conditions les plus proches du réel.

Faites en sorte de ne plus avoir à réfléchir… ou de pouvoir réfléchir beaucoup plus vite.

Et rappelez-vous toujours pourquoi vous faites ça.

  • Qui protégez-vous ?
  • Quel but poursuivez-vous ?
  • Qu’est-ce qui, dans l’avenir, justifie l’inconfort présent ?

Rappelez-vous en, et vous aurez la motivation non seulement pour le jour J…

Mais aussi pour les 10, 100, 1000 entraînements auparavant, qui doivent ressembler le plus possible à ce qui se passera le jour J.

Ne « décomposez » pas. Ne changez pas d’échelle. Faites au plus proche. 

L’expérience s’acquiert par la répétition de motifs identiques.

Pas par un entraînement désarticulé, où chacune des compétences à mettre en œuvre est travaillée isolément des autres, à travers des modules qui n’ont rien à voir avec la réalité.

Le seul exercice qui vaille, c’est la répétition générale. Au plus proche du réel.

Qu’en pensez-vous ?

Bien cordialement,

Marc

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Maurice Joly
Maurice Joly
3 années il y a

Bonjour Marc. Vos conseils sont judicieux et quand à cet article, très pertinent, j’était tireur d’élite aux para-commandos à mes 20 ans (on ne disait pas snipper à cette époque, j’ai 74 ans) Je suis connu comme un type gentil, toujours prêt à aider les autres, mais je peux vous assurer que déjà à l’époque, je pouvait tirer sans état d’âme sur quiconque menacerais gravement ma famille, mes camarades de combat, mon pays et ses valeurs. Beaucoup de ceux qui ont fait leur service militaire ne sont en fait pas préparés à la survenance d’un conflit armé, il faut subir… Lire la suite »

ROLLAND S
ROLLAND S
3 années il y a

Je découvre votre contenu avec grand intérêt ! Merci aussi pour les 8 conseils de Marius que j’ai découvert il y a quelques semaines à travers son livre Parcours commando, j’y trouve de magnifiques valeurs de vie ! Merci à vous et merci à Monsieur Marius ! A très vite !

Pierre Dercy
Pierre Dercy
3 années il y a

Salut Marc, Connais-tu le « Mozambique drill », une technique de survie en cas de nécessité et en combat rapproché, utilisée dans les années soixante au Mozambique par un ancien mercenaire du nom de Mike Rosseau: deux balles dans la poitrine et une dans la tête en tir rapide pour éliminer toutes possibilités de réaction de l’adversaire. Avec seulement 2 balles dans la poitrine, l’ennemi peut encore réagir. Pas besoin donc de vider tout un chargeur sur l’ennemi. 3 balles suffisent si on est bien entraîné. Il faut aussi pouvoir économiser ses munitions. Bizarre donc dire aux soldats US de vider tout… Lire la suite »

maindret francois
maindret francois
3 années il y a

BONJOUR L APPRENTISSAGE POUR DÉPASSER CES BLOCAGES PAR LA RÉPÉTITION EN SITUATION EST BIEN DÉMONTRER DANS LE FILM
LE DISCOURS D UN ROI
DANS LES ANNÉES 30 LE PRINCE ALBERT DEUXIÈME FILS DUROI GEORGE 5 VIT UN GRAVE PROBLEME DE BÉGAIEMENT L ABDICATION DE SON FRERE AINE L OBLIGE A MONTER SUR LE TRONE LE ROI DOIT S EXPRIMER EN PUBLIC MALGRE SON HANDICAP IL RENCONTRE UN ORTHOPHONISTE .LIONEL LOGUE
ALBERT DOIT SURMONTER SES DIFFICULTÉS DE LANGAGE
LIONEL LOGUE LE METS EN SITUATION REELLE ET LUI FAIT RÉPÉTER SON DISCOURS AFIN DE DEPASSER SON BAIGAIEMENT

Joseph
Joseph
3 années il y a

En effet grâce aux moyens de réalité virtuelle il est très facile actuellement de conditionner n’importe qui à faire n’importe quoi
Danger pour nos enfants!! Ils jouent sur leurs ordis à des jeux guerriers tellement proches de la réalité…
Donc tuer devient un jeu
Les adultes ne sont pas épargnés
Après tout nous ne sommes que de vieux
bébés
Helas la comparaison entre apprendre à tuer froidement et être capable d’affronter froidement des situations difficiles passe mal…
A part cela 5 étoiles pour vos conseils

dominique
dominique
3 années il y a

très mauvais exemple,l’autre n’est JAMAIS un ennemi à tuer le véritable ennemi de soi est l’hypertrophie de l’égo c’est celui là qu’il faut combattre, en recherchant le JUSTE pour soi et rien que le JUSTE. Il n’y a pas de guerre mais seulement une rigueur à rechercher.

Monpote
Monpote
3 années il y a

Bonjour, Je ne cautionne en rien le fait de tuer pour une armée à la botte d’un mec comme Trump ou autre illuminé, qui restent bien penards dans leur bunker pendant que les pauvres gars se font tuer ou doivent tuer. Par contre, si ma famille était en danger par des fanatiques tuant pour un Dieu ( qui lui ne demande pas cela) je n’hésiterais vraiment pas à tuer et avec quoi que ce soit, fusse à main nue, avec une pierre, ou voiture…Ces gens tuent car ils s’offusquent d’un dessin dans nos pays, alors qu’eux, entrent dans des églises… Lire la suite »

Didier
Didier
3 années il y a

Cela me rappelle mon service militaire, et oui cela a existé. À 18 ans, j’avais devancé le service pour me débarrasser de cette corvée. Dans les premiers mois nous allions à l’entraînement, je n’avais pas de plaisir à faire des exercices de tirs, nous tirions sur des cibles rondes, j’ai participé et j’étais un très bon tireur, c’était un jeu et je m’y suis prêté avec succès… Par contre un jour ils ont disposé des cibles à formes humaines et là je suis devenu un très nouveau tireur, l’idée de tuer une personne, même si c’était pour faire semblant m’horrifiais.

Marylene BIEWESCH
Marylene BIEWESCH
3 années il y a

Francement pas du tout emballée par ce thème…désolée ya d autre moyen de s entraîner que celle de tuer ses semblables ou n’importe quel autre être vivant c’est pas soft les méthodes militaires a la solde des politiques en place…Par ailleurs si les engagés volontaires sont en position de meurtriers cela relève de méthode barbares d un autres sciecles. Pas d accord pour en faire la promotion surtout en ce temps rétrograde. Bon sinon toi tu fais comme tu veux et tu fréquentes qui tu veux mais il faut être conscient que les soldats quelques soit leur grade qui sont… Lire la suite »

Philippe Baudouin
Philippe Baudouin
3 années il y a

Très intéressant. Vous êtes toujours aussi pertinent malgré la variété des sujets que vous abordez. J’émettrai une petite réserve sur une des conclusions de cet article toutefois.
Si je suis bien d’accord sur la nécessité de rapprocher le plus possible l’apprentissage des conditions réelles, dans certains cas décomposer certaines phases de l’action pour aiguiser les réflexes peut être très utile voire indispensable. Je ne veux pas être trop long ici mais pourrais donner des exemples vécus dans plusieurs domaines d’apprentissage, à la fois en tant que formateur et que formé.

Roger Hoh
Roger Hoh
3 années il y a

Très intéressant! J’ai appris quelque chose, aujourd’hui! Du coup, je suppose que les tueurs islamistes sont entrainés et « conditionnés » pour exécuter leur attentats…

Joseph
Joseph
3 années il y a
Répondre à  Marc

Très vieille méthode ! Le «  coup de gnole ou de schnaps  » des soldats pendant la guerre de 14 avait la même raison d’être…

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